Mànzeu : ce qu’il fallait avoir vu à AKAA en 2018

Du 12 Novembre au 31 December 2018

La troisième édition de la foire d’art et design AKAA - Also Known As Africa a fermée ses rideaux il y a deux semaines, sur un bilan extrêmement positif avec 15000 visiteurs en quatre jours. Ce nouveau rendez-vous culturel à Paris a su garder son ambiance décontractée et sa taille humaine, même avec 49 exposants et plus de 140 artistes.

Pour celles et ceux qui n’ont pas pu visiter la foire, ou souhaiteraient revoir certaines œuvres clés, nous vous avons préparé une liste de 4 artistes qu’il fallait avoir vu en serpentant les galeries de cette belle édition d’AKAA.

Alexis Peskine, représenté par October Gallery, London

 

 
Alexis Peskine, Ata Emit (to whom Belongs the Universe), 2017. Moon gold leaf on nails, earth, coffee, water and acrylic on wood, 250 x 250 cm

 

Né à Paris en 1979, Alexis Peskine a été très tôt exposée à des questions liées à l’identité. Cela commence avec ses grands-pères, Boris, un ingénieur juif qui a survécu aux camps de concentration, et Antonio, un menuisier afro-brésilien basé à Salvador de Bahia, au Brésil, où il a élevé toute sa famille. 

 

Le travail de Peskine dignifie - toute en questionnant - l’expérience des corps noirs dans l’histoire et la contemporanéité. Sa démarche consiste à utiliser des clous de différentes tailles afin de créer des reliefs et donner à voir des profils d’hommes et de femmes noir.e.s doté.e.s d’une grande force et présence esthétiques.

 

Ses acupeintures comportent différentes dimensions - physiques et symboliques. L’acte de clouer des corps, chargé de sens historiques et religieux, est sublimé par les lignes fines des œuvres de Peskine, exprimant à la fois douleur et résistance.

 

 

Alexis Peskine, Aljana Moons III - Twins Carriage, ed. 5 + 1 AP, 2015. Archival giclee print on Hahnemühle Photo-rag 308gsm paper mounted on dibond, 82.5 x 149 cm

 

 

Susana Pilar, Le que contaba la abuela…, 2017- Galerie Continua

 

 

Monumentaliser l’histoire des femmes : c’est ce que réalise l’artiste cubaine Susana Pilar avec son œuvre “Le que contaba la abuela…” (2017, Galleria Continua). Des panneaux photographiques lumineux sur lesquels on contemplait la silhouette de femmes de toute âge.

 

Ce travail de reconstruction d’un portrait de famille a été choisi pour occuper l’espace d’exposition monumental sous la verrière du Carreau du Temple. En entrant dans la foire, cette lignée matriarcale nous recevait en nous racontant leurs histoires, souvent passées sous silence. Ces mères, tantes et grand-mères, anonymes pour nous, étaient multipliées par un savant jeu de miroirs, ce que suscitait un lien entre les visiteurs et l’œuvre, l’histoire et la contemporanéité.

 

 

Nicolas Henry, Un bus pour aller à l’école, Ethiopie, représenté par Little Big Galerie

 

 
Nicolas Henry, Un bus pour aller à l’école, Ethiopie- 2017 - Photographie, Courtesy de Nicolas Henry

 

 

Une démarche photographique humaine : quand la fiction et l’image réelle se confondent. Mais un réel peuplé de fantaisie et imagination, riche en couleurs. Un univers presque baroque, avec son foisonnement onirique.

 

Le photographe Nicolas Henry nous présente des scènes où la composition de l’image joue un rôle crucial, comme c’est le cas d’Un bus pour aller à l’école, Ethiopie. Les enfants de ce village n’ont pas de moyen de transport pour aller à l’école et sont obligés de marcher plusieurs kilomètres tous les jours. Ensemble, ils ont décidé de construire un bus imaginaire en reprenant du matériel trouvé dans les environs : branches, feuillages, seaux, racines. Un dialogue entre les matières qui va au-delà d’une simple prise de vue.

 

Au lieu d’imposer une mise en scène, Nicolas Henry a l’habitude de s’entretenir longuement - parfois pendant plusieurs jours - avec les personnes qui apparaîtront sur la photo, afin qu’ils établissent ensemble à la fois la thématique de l’image et la façon dont ils agenceront les éléments. Ici, son passé de régisseur et décorateur de théâtre est visible avec ce cadre composé de branches et feuillages trouvés dans le village.

 

Critique sociale ? Esthétisation de la pauvreté ? Cette image dépasse les problématisations pour rejoindre un monde commun à tous, celui de l’imaginaire enfantin, des plusieurs mondes possibles.

 

 

 

Justin Dingwall, ALBUS, 2017

 

 

 

L'édition 2018 d’AKAA a concédée une place considérable à la photographie. Impossible de ne pas s’arrêter devant la série Albus du photographe sud-africain Justin Dingwall. Il signe également l’image de l’affiche sur laquelle on voit un jeune albinos sous une lumière rougeâtre.

 

Semblable à celle-ci, cette image puissante dénude une dualité instable et saisissante : le visage du modèle renvoie une tension entre présence et absence. Le torse, éclairé de sorte que l’on se demande s’il s’agit d’une sculpture en marbre ou d’une peau sensible et chargée de significations qui s'interposent : historiques, sociales, esthétiques.

 

 

 

Conçue sous un axe curatorial basé sur les rapports Sud-Sud, AKAA propose une nouvelle carte de l’art contemporain. De la Corée à l’Afrique du Sud, du Cameroun à l’Argentine, ces chemins viennent renouveler et dévoiler d’autres façons de voir, habiter et représenter le monde, ou les mondes possibles. Rendez-vous donc en 2019 pour une nouvelle édition, où nous proposerons des visites guidées exclusives dans le cadre de notre cycle Mànzeu.

 

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Danilo Lovisi, pour l'Espace culturel Gacha