Salon Révélations 2019 – Nous y étions !

Du 04 Octobre au 30 Novembre 2019

La Fondation et l’Espace culturel Gacha, à l'invitation de la galerie d'art parisienne Nelly Wandji et du centre d'art camerounais Bandjoun Station, ont participé à l’édition 2019 de la Biennale des métiers d’art et création - le Salon Révélations au Grand Palais. 

Mai 2019, sous la voute ensoleillée du Grand Palais, s’est tenue la 4ème édition du Salon Révélations, Biennale Internationale des métiers d’Art. Si des artisans africains avaient déjà participé au traditionnel "Banquet" - exposition traversant toute la longueur du salon - y présentant leur création, ce sont cette année deux pays du continent - Cameroun et Afrique du sud - qui étaient invités à exposer la dynamique de création caractéristique de leur pays.

 

En tant qu’actrice des métiers d’Arts au Cameroun et par son engagement dans la formation professionnelle, la Fondation Jean-Félicien Gacha était ainsi présente - à l’invitation de la galerie d’art parisienne Nelly Wandji et de l’artiste Barthélémy Toguo, fondateur du centre d’art camerounais Bandjoun Station. Conscient de cette opportunité de mise en lumière et des enjeux pour la promotion des métiers d’art en Afrique, l’Espace culturel Gacha a pu contribuer à rendre visible une partie de l’artisanat du Cameroun auprès d’un public pour là-plupart non-initié à son esthétique et son savoir-faire. 

 

 

"Révélations 2019 : La diversité d'un monde de création", par Ateliers d'Art de France. 
Organisé par Ateliers d’Art de France, le salon Révélations propose de découvrir le travail méticuleux de près de 500 créateurs : artisans d’art, manufactures, maisons d’excellence, galeries et associations. Cette année, l’Espace culturel Gacha était présent pour faire connaitre et développer - au contact de créateurs du monde entier - les actions de la Fondation Jean-Félicien Gacha en faveur de l’artisanat.

 

Enjeux de la transmission des savoir-faire en Afrique

 

 

 

Retrouver l'intégralité de la conférence, par Ateliers d'art de France.

 

La Fondation et l’Espace culturel Gacha - représentés ici à gauche par Danilo Lovisi, médiateur culturel et chargé de programmation - ont participé, aux côtés de Sonia Lawson, du Palais de Lomé (Togo), Sophie Ferrand-Hazard de la galerie Art of Connection (Afrique du Sud) et Cécile Goulet du programme Leap initiative Philanthropies (Bénin) à une table ronde sur la thématique : « Quel encadrement et quel accompagnement pour les artisans d’art et de la création en Afrique? » Celle-ci s’inscrivait dans un cycle de conférences : « Patrimoine et création en Afrique : après la restitution, quel avenir pour le secteur ? ».

 

Rendre compte de ses stratégies, cheminements et succès respectifs fut sans doute un des principaux apports de cette mise en commun d’expériences d’acteurs de l’artisanat sur le continent africain. Elle souligne l’intérêt d’agir ensemble autour des enjeux culturels et économiques de la transmission des savoir-faire artisanaux en Afrique. Le souhait d’une plus grande collaboration interinstitutionnelle (États, ONG, organismes privés) a à ce titre été formulé pour alimenter la circulation des idées et des artisans. C’est d’ailleurs parce que cette circulation est si importante que l’Espace culturel Gacha s’est investi dans le salon Révélations pour faire voyager deux responsables d’ateliers de la Fondation Gacha et leur permettre de rencontrer à la faveur de l'événement, des auteurs d’autres nationalités et des détenteurs de techniques étrangères à leurs pratiques.

 

« Le « Made in » dans les pays africains est perçu par les locaux comme un artisanat touristique. » - Sonia Lawson, Le Palais de Lomé (Togo).

 

Il est une réalité sur laquelle chaque contributeur à la table ronde a pu témoigner : l’artisanat d’art issu des pays d'Afrique est insuffisamment considéré et estimé. Si dans la région Ouest du Cameroun la Fondation Jean-Félicien Gacha a, quand à elle, misé sur la formation aux métiers d’art pour accompagner les jeunes dans l’acquisition d’un métier (ébénisterie, menuiserie, perlage, couture…), ailleurs des savoir-faire se perdent et avec eux une part de l’histoire des jeunes générations. Il existe aussi une forme d'autocritique plus ou moins exprimée au sein des pays africains eux-mêmes, qui n’est pas suffisamment découragée par des initiatives intérieures et extérieures au continent. Aux métiers de l’artisanat ne sont pas spontanément associés des notions de modernité et parce qu’on les limite à un seul travail manuel, ils sont insuffisamment valorisés. Des initiatives donnant la part belle à ces métiers et valorisant leurs débouchées manquent cruellement.

 

« Ce qui est embêtant c’est que les jeunes ne s’intéressent pas trop en ce qui concerne mon domaine. Pourquoi ? Parce que mon domaine, c’est un domaine qui épuise beaucoup l’homme. Il faut être très courageux pour accepter de s’y intéresser. J’ai vu beaucoup de jeunes venir, mais qui ne résistent pas et qui repartent. D’autres aiment bien, mais n’ont pas le courage de résister. Moi j’ai toujours voulu partager. Je n’aimerai pas garder ça pour moi… Et puis je me dis que je n’ai pas encore débuté ! Je sens que je n’ai encore rien fait et qu’il faut que l’inspiration sorte encore. Et il faut des occasions pour qu’elle sorte. » - Gilbert Ouembe, responsable de l'Atelier ferronnerie à la Fondation Jean-Félicien Gacha au Cameroun.

 

Le produit d'exception peut être africain !

 

 

Autour de cette table ronde, permise par Révélations, les témoignages s’accordent sur le fait qu’une révolution mentale est à l’œuvre. Elle vise à revaloriser le fait-main, à multiplier les initiatives à succès misant sur l’artisanat. Révélations a donné l’occasion de mettre en commun certaines initiatives dans un esprit panafricain, sud-sud. Ces synergies de structuration et de promotion du secteur sont certainement des points d’appuis pour endiguer la perte de savoir-faire parfois pluricentenaires.

 

 

Les « trésors vivants » de la Fondation Jean-Félicien Gacha

 

Au sein de l'ilot Cameroun, l'Espace culturel et la Fondation Gacha ensemble ont présenté deux œuvres monumentales dont la confection a été en partie réalisée dans les ateliers de l'Ouest Cameroun.

 

Le regard de Nelly Wandji

Commissaire d'exposition de la sélection Cameroun pour Révélations 2019

 

"L’artisanat d’art au Cameroun est l’expression de l’essence et de l’énergie du peuple camerounais. Profondément ancrés dans les traditions millénaires, les maîtres artisans ont accompagné toute l’histoire du pays. Dans un effort commun qui se transmet d’une génération à l’autre et témoigne de la singularité camerounaise, les œuvres exposées sur le Banquet présente un éventail de savoir-faire, d’héritage et de patrimoine. Aussi unique que soit chaque œuvre, autant sur le plan de la matière, la technique et le style, tous ensemble expriment la puissance de la tradition dans les mémoires de ceux qui perpétuent les gestes et entretiennent les savoirs."

 

Les responsables des ateliers - Gilbert Ouembé et Igénie Nomba – ont fait le déplacement jusqu’à Paris afin de présenter le travail porté par leur équipe. En marge de l’événement, l’Espace culturel Gacha a organisé pour eux des rencontres avec l’équipe pédagogique de l’Ecole Boulle  et des visites d’institutions muséales pour un partage d’expériences, de pratiques, de visions.

 

« Pour moi, c’est beaucoup d’expériences. Je suis un amoureux d’art. Je n’ai cessé de regarder de côté, devant, derrière, de gauche comme à droite … Je me disais toujours mais l’artiste vient de quel monde ? J’ai vu beaucoup d’œuvres d’art faites à partir de matériaux de récupération. Ces artistes-là n’avaient pas besoin d’industriel, il pouvait prendre des toutes petites fleurs, même des papiers qu’ils peuvent simplement ramasser… J’ai vu beaucoup d’artistes qui ont fait leurs œuvres à partir de matériaux de récupération et qui sont venus exposer au Grand Palais! C’était naturel. J’ai vu un garde-corps, une rampe… Celui qui l’a fait est extraordinaire. Le traité, le rendu est exceptionnel. Moi, j’ai senti tout ce travail ! Et ce qui m’a le plus intéressé c’est que pour lui la peinture n’a pas de valeur : il a travaillé le métal, l’a ciré et l’a laissé naturel. Et c’est aussi plutôt beau. J’ai beaucoup apprécié ce style de travail. Dès que j’ai vu ça… ça m’a comme inspiré, je me suis dit « pourquoi pas... »Gilbert Ouembe.

 

 

Pour le Salon Révélations 2019, la Fondation Jean-Félicien Gacha sous à la direction de la Maître perlière Igénie Nomba Gniaye a collaboré avec l’artiste Beya Gille Gacha autour de la réalisation d’un personnage de sa série « Orant ». Le perlage est un art ancestral. Autrefois, les objets perlés étaient réservés au roi - le « Fo ». Ly Dumas, présidente de la Fondation et créatrice de mode a transmis son savoir-faire aux perlières qui perpétuent cette technique à travers des créations contemporaines réalisées selon une technique traditionnelle : les perles sont toutes couses sur tissu – et non collées.

 

 
Transcript : 
"Disons que c’est arrivé comme une histoire d’amour, je ne savais même pas qu’elle s’appelait perle. Je voyais juste des objets perlés, et j’adorais, je voyais ça dans les milieux traditionnels. Et ça me plaisait beaucoup, j’avais très souvent envie de toucher et comme ces objets, chez nous, on parle souvent de mysticisme, dans ces objets on avait peur de toucher et ce qui fait que quand j’ai découvert cet atelier à Bafoussam, je me suis dit, mais tient donc des personnes ordinaires pouvaient toucher à la perle. Depuis ce jour je travaille les perles et je suis en train de vieillir dans la perle. Par le passé, pour travailler la perle, il fallait être un artisan de la Cour du Roi, par exemple, pour le travailler ces objets traditionnels, il fallait y vivre dans la Cour du Roi. Mais maintenant peu importe la classe sociale on peut manipuler les perles. J’aime la musique religieuse quand je perle… gospel. Nous perlons sur tout support, on perle des calebasses, des cannes, des trônes, des tissus traditionnels, des coiffes, des baskets, des bracelets, des instruments de musique traditionnels aussi, et des bracelets géants. Nous allons y travailler avec des perles blanches et bleues qui renvoient aux couleurs de notre tissu traditionnel le ndop, avec le motif du serpent doublé qu’utilisent généralement les gens de la tribu des Bamoun. Ah oui c’est vrai c’est un travail très minutieux qui demande trop de patience, et vraiment, si vous n’êtes pas patient comme j’ai dit vous ne pouvez pas vous en sortir.  Je pense de temps en temps à rompre avec cette histoire d’amour entre la perle et moi, mais j’y arrive pas. Je l’aime tellement ! Et je crois qu'elle m'aime aussi."

 

 

 

Le regard de Barthélémy Toguo

Artiste et parrain du Cameroun au Salon Révélations 2019

 

"ORANT #6 - Un enfant dans le cercle de l’infini et de l’éternel recommencement. Exposant le rapport le passé, le présent et le futur, cette œuvre réalisée par des perleuses de différentes générations combine la technique traditionnelle camerounaise et l’approche personnelle et contemporaine de la jeune artiste Beya Gille Gacha.

 

Cette alliance fait naitre une sculpture juxtaposant harmonieusement la tradition et l’avenir, les ancêtres et les générations futures, mettant en exergue une esthétique singulière et universelle. Le bracelet géant qui symboliserait l’éternel recommencement et l’infini, avec son perlage interrompu questionne la transmission des valeurs, d’héritage culturel, des traditions et des savoir-faire.

 

L’enfant semble se lover dans ce symbole comme protégé par lui, mais sans en être prisonnier. Il s’y balance, peut s’y coucher, il peut en jouer, comme s’y reposer. C’est une assise qui joue avec la pesanteur. Sans gravité, elle lui sert d’envol et non d’enclume.

 

L’esthétique anthropomorphe, d’un visage, d’un corps d’enfant est aussi réaliste qu’un effet miroir dans lequel chacun peut se projeter. Pour cet enfant, rien n’est impossible, tout est même possible. Et tous les progrès qu’il fera dans sa vie pour passer à l’âge adulte se mettront en place petit à petit, comme par magie.

 

Grâce à l’enseignement qu’il aura acquis de ses ainés, il pourra acquérir le geste, le perfectionner. Certains gestes seront instinctifs, mais c’est par la détermination, la persévérance qu’il deviendra autonome, pourra innover, s’affranchir de la part de son héritage qui ne servira pas son évolution."

 

 

 

Gilbert Ouembé est le responsable de l’atelier ferronnerie de la Fondation. Il réalise ces personnages peints à la main représentant des rois et des dignitaires de chefferies traditionnelles bamiléké. Le Ndop, textile traditionnel, ainsi que les "Ten", coiffes en plume et le masque éléphant "Tcho bapten" sont mis en valeur sur ces corps représentés en mouvement. Les flammes portées par ces hommes symbolisent à la fois l’ancestralité et la vivacité de ces traditions. Pour le Salon Révélations, les ateliers ferronnerie et hébenisterie ont participé à la réalisation des œuvres. Guillaume Yanga en particulier a prêté main forte à Gilbert Ouembe pour la réalisation du motif traditionnel Ndop, devenu sa spécialité.

 

Transcript : 
"Je suis arrivé à Bangoulap le 27 juillet 1998, tout petit toujours, même qu’aujourd’hui je ne suis pas grand moi. Je travaillais, faisais les platines, je faisais quelques courses. Mais au fur et à mesure j’ai constaté toujours qu’il me faut, qu’il y a quelque chose qui me faut développer. Je l’ai senti toujours, qu’il me faut faire quelque chose, j’avais tout l’impression d’être en train de créer, mais déjà je ne savais pas quoi, il faut créer mais j’ai toujours senti en moi que je dois créer. Madame Dumas avait sa grande vision aussi, un jour elle m’a dit Gilbert, il faut faire quelque chose, il faut faire quelque chose, tu en es capable. Alors voilà là où vient le vrai encouragement, à partir de là l’idée de personnage arrive parce que j’aimais toujours les dessins et j’aimais toujours assister à des lieux culturels. Maintenant je cherche toujours à créer sur les personnages Bamiléké. J’ai fait un essai sur ce personnage, ça donne. Je continue à avancer, jusqu’à aujourd’hui je me retrouve même plus parce que j’en ai fait énormément. Il y a des chefs supérieurs, il y a des notables, des guerriers, je veux dire, et leur sortie est solennel puisque quand on voit un personnage comme celui-ci, la sortie est tellement solennel puisqu’on ne fait pas de cérémonie au hasard. C’est vrai que généralement quand vous voyez tous ces personnages habillés du ndop, du masque éléphant, de gros bracelets spéciaux, des ceintures, des mérites, ce n’est pas au hasard. Il y a de chefs supérieurs qui portent, des sous-chefs, des grands notables et il ne peut porter que ceux qui ont mérité, ne peut être porté sans être mérité. Même si vous êtes le plus riche, vous ne porterez jamais ça sans être mérité. Le Fo’o ! Le nom que je peux donner c’est « le roi ! », Fo’o ! Voilà, Fo’o, si faut dire en français « sa majesté le Roi », si faut dire en langue (locale) Fo’o, tout ce qui est Fo’o, à l’ouest veut dire « Roi », quand on voit les grelots partout, sous son masque ça symbolise sa richesse, ça veut dire il est riche, un homme heureux, un roi heureux. Ça peut accumuler les grelots un peu partout, être exceptionnel, exceptionnel."

 

« J’étais tellement émerveillé, tellement émerveillé par le public. Le public aussi était très très étonné... J’ai entendu des « on en a fait des événements, des salons, mais on n'a encore jamais vu ça »… Surtout où ? Au Grand Palais ! » Gilbert Ouembe.

 

 

Toutes les équipes de la Fondation et de l'Espace culturel Gacha tiennent à remercier tout Ateliers d'Art de France, Nelly Wandji, Barthélémy Toguo, Beya Gille Gacha pour avoir oeuvrer à la réussite de cet évènement.